C'était bien, l'obstination
Je ne vous ai pas donné tous les détails de ma discussion par mails interposés avec Stivi. Toujours est-il que maintenant, ça y est, Sed lui convient très bien, il s'est même presque excusé. Pas trop quand même, faut pas pousser, et surtout, pas pour les bonnes raisons de mon point de vue.
Pour moi, ça ne résoud pas le problème.
Qu'il n'aie pas les mêmes idées sur le monde ne me dérange pas. Nous avons passé ces trois années à entrechoquer nos cultures, et parfois ça faisait mal. Mais c'était un risque à courir, et pas insurmontable.
Mais ce qui a rendu les choses si dificiles, c'est son incapacité à se remettre en question. A ne jamais accepter que la vérité puisse être différente que telle qu'il se la représente. Si j'étais prète, moi, à reconnaître que ma vision des choses était parfois trop occidentale, pourquoi n'a-t-il jamais reconnu que l'inverse était vrai ?
Je commence à avoir assez de recul pour être aussi parfois exaspérée par les petites manies de Michi.
Il parle parle parle parle... Il se perd sans arrêt dans un blabla interminable sur les moindres détails d'une affaire, là où j'aurais tendance à faire très résumé. Trop résumé d'ailleurs, bien souvent je n'arrive pas à me faire comprendre parce que je n'ai pas pris le temps d'être plus explicite.
Mais reconaissons-le, Michi a une capacité d'écoute extraordinaire. Il nous a bleuffé hier en expliquant aux chefs allemands par le détail comment les français construisent un projet pédagogique, montrant à quel point il avait fait attention quand Bob et moi lui avions expliqué en fin de réunion vendredi.
Chez Stivi aussi, cette obstination, je l'ai aimée. Et je l'aime encore, je pense.
Il savait toujours tout. Il était toujours sûr de lui et que ce qu'il faisait était ce qu'il fallait faire. Face à ma peur maladive de prendre une décision, il était celui qui tranche. C'était rassurant de pouvoir se reposer sur son obstination, il suffisait aux moments délicats de se laisser guider.
Au lit, il était aussi toujours sûr de lui. Il savait ce qu'il voulait, ce qu'il fallait faire et comment on allait le faire. J'ai pris la mauvaise habitude avec lui d'être très passive, j'ai appris à réagir à ses désirs à lui, et nous avions trouvé cet équilibre incroyable: nous étions un couple.
Voilà maintenant ce que je n'arrive pas à expliquer à Sed. Qu'il ne doit pas être à mon écoute, mais à l'écoute de lui-même. Qu'il faut qu'il soit égoïste dans son plaisir pour construire un Nous.
Il se repose sur moi et j'ai peur. Ne voit-il pas que je n'ai pas l'étoffe de soutenir quoi que ce soit? J'essaye d'entrer dans le rôle de l'initiatrice, mais je ne m'y sens pas à l'aise. Il faut avoir un peu plus d'assurance que moi pour apprendre à quelqu'un à faire l'amour. Encore une fois, j'ai l'impression de ne pas être à la hauteur de ma tâche, et je n'avais pas besoin d'en rajouter une couche.