Corps
Les corps ont trois possibilités de beauté : la force, la grâce et la plénitude. Certains corps miraculeux parviennent à réunir les trois. A l'opposé, le mien ne possédait pas une once de ces trois merveilles. Le manque était sa langue maternelle : il exprimait l'absence de grâce et l'absence de plénitude. Il ressemblait à un hurlement de faim.
[...]
Je fis l'expérience ; je cachai totalement mes seins dans mes mains et me regardai : soudain, j'étais acceptable et même plutôt bien. Il suffisait que je cesse de dissimuler ma poitrine et, aussitôt, mon apparence devenait pitoyable, misérable, comme si cet échec contaminait le reste.
Antéchrista, A. Nothomb
Au fur et à mesure que je lisais le texte, je n'en revenais pas.
Moi aussi, je me suis tenu face au miroir. Et j'ai fait exactement ce geste. C'est un de ces souvenirs qui traumatisent pour une vie entière.
Depuis juillet, l'obsession des miroirs.
Tout le temps traquer la silhouette qui n'a pas tenu son rôle rechercher ce qui est cause de tout ça et savoir comment je suis, comment je suis déshabillée et avec ces bottes avec ce pull avec ces collants enveloppée dans ma serviette ou lorsque le pantalon tient comme ça de travers.
Me dire putain faut-il que ce soit bien moche pour qu'il n'en ai pas voulu.
A quoi ça sert un corps dont il ne veux pas.
Et me rendre compte qu'entre ces deux phrases, le "il" a changé.
Il ressemblait à un hurlement de faim.
Oui, c'est tellement ça.
Un hurlement.
D'un manque aussi physique que la faim.