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Sous la peau de la vache
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19 septembre 2009

Papa #4

Le lendemain de l'enterrement, il y a eu l'incinération.
Sur le coup, je vous aurais sans doute décrit les choses autrement que je ne vais le faire. Avec le temps, les petits détails ont perdu de leur importance. Ce qui est resté, c'est le sentiment. Et je n'arrive même pas à mettre un nom sur le sentiment.

Ce n'est pas de la tristesse. Je ne suis pas triste. On est triste quand on vient de se faire larguer, pas quand on perd son papa.
Ce n'est pas du désespoir. Ce n'est pas moi qui suis morte, c'est mon papa, et un papa, c'est fait pour mourir, c'est entendu, surtout quand ça meurt depuis des mois.
Ce n'est pas de l'angoisse, même si la mort n'est qu'un gros trou noir.
Ce n'est pas de la colère, parce que la colère, c'est de vouloir frapper. Et là, je ne voulais frapper personne, ni quelqu'un, ni moi-même, ni le cercueil. Je n'aurais pas même frappé Dieu si je l'avais eu en face de moi.

Non, c'était un autre sentiment.
Un "putain mais non, quoi !" ancré dans la poitrine.
C'est l'arrivée sur place, et piétiner en attendant. Attendre le corbillard, attendre que ce soit l'heure, il fallait tout le temps attendre, et le temps s'étirait en longueur, une minute durait tellement longtemps.
Mais enfin on sait bien que ce temps va finir par passer, et qu'à un moment on va en sortir de cette pièce, et qu'à un moment on sera de retour à la maison et que ce sera terminé.

Alors voilà, le cercueil a fini par descendre au son de l'hymne de son école, et c'était vraiment beau, parce que la chanson était gaie.

Et j'ai pleuré.
Et j'tétais mal à l'aise de pleurer. Il y avait tous ces gens autour de nous, et j'avais l'impression de pleurer pour eux, et pas pour mon père. C'était très énervant et très frustrant.

Ma mère est venue à moi, et elle m'a dit ces mots, que je n'oublierai jamais, même si je devais vivre mille ans.
Tu sais que papa était tellement content de toi. Tu étais sa fierté. Il voulait que tu continues, que tu n'arrêtes surtout pas. Il a toujours vu pour toi un avenir incroyable.

Il y a plein de petites bulles qui ont éclaté dans ma tête, avec les visions de ce que moi je voyais pour mon avenir.
J'avais la rage.

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Commentaires
S
Tu sais je crois qu'on a tous une vie comme ça qui oscille entre des trucs qui paraissent futiles et des trucs moins futiles qu'on a du mal à gérer. Et avoir des commentaires d'"inconnus" c'est plutôt chouette, ça veut dire que tu racontes ta vie de manière assez universelle pour intéresser d'autres personnes !<br /> <br /> Ce que t'as dit ta maman est très beau et je trouve que sur pas mal des photos qu'on a montré, on VOIT l'attachement de ton papa envers toi !!! Ca m'a beaucoup marquée en tous cas.
L
Je suis très bouleversée de voir que ce post me vaut des réactions si chaudes de deux "inconnus".<br /> Vous aurez remarqué que mes ruminations sont plus souvent rythmées par des histoires d'amourettes à la sauce cour de récré du lycée que de grandes pensées métaphysiques sur la mort.<br /> J'espère que ce n'est pas trop inégal à lire quand on est extérieur aux personnes dont il est question ici.
B
Je suis une habituée du blog, je le lis depuis quelques mois, aujourd'hui je commente, parce que c'est vrai que cet article est d'une très belle délicatesse, ce genre de phrases qu'on lit et qu'on relit, comme un bijou qu'on regarde.<br /> Je ne sais pas trop quoi dire, mais je voulais m'exprimer. Bon courage!
J
Superbe ton texte. Quel magnifique hommage à ton Papa. Je comprends que ton père ait été fier de toi. Ton écriture est décapante.
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