Le dilemme du Buveur de Lait 1/3
Il est trop tard pour vous raconter le dilemme du Buveur de Lait.
Mais je vous raconte quand même.
Si j'ai fait la
connaissance du Buveur de Lait, c'est encore à cause de Rivière.
J'ai déjà raconté le
début de l'histoire, depuis le déclenchement de ses hallucinations
jusqu'à son internement (le bleu – plutôt noir que bleu,
d'ailleurs – sur ma jambe n'est toujours pas parti).
C'est ce jour-là, le
jeudi de l'horreur, que le Buveur de Lait et moi avons fait
connaissance, dans une situation de l'extrême, je pense qu'on peut
le dire.
Car jusqu'ici, je n'avais
vu le mari de Rivière qu'une fois en coup de vent, lorsque j'étais
venue chez elle travailler sur notre exposé. J'ai été très
surprise d'apprendre alors qu'elle et lui étaient en fait séparés
depuis bientôt deux ans, « détail » que Rivière
n'avait jamais mentionné depuis plus d'un an que nous sommes amies.
J'étais loin de me
douter alors que le mari de Rivière allait débarquer chez moi une
semaine plus tard complètement ahuri d'entendre ce que j'allais lui
raconter. Ni que j'aurai à parler un jour de lui sur ce blog. Ni que
le surnom de « Buveur de Lait » allait s'imposer pour
lui.
Les aventures de Rivière n'étant évidemment pas terminées, on peut dire que j'ai passé les deux dernières semaines à peu près exclusivement entre leur appart et le mien. Je me suis même laissée entraîner par le Buveur de Lait une après-midi à faire de l'escalade (sa grande passion), histoire de décompresser un peu.
Le lendemain, Rivière
sortait de l'hôpital psychiatrique.
Sans médoc.
Y'a des médecins qu'on a
un peu envie de les taper, des fois.
Bien que visiblement plus
calme, l'état de Rivière n'a cessé d'empirer dans les jours qui
ont suivi. La solution de repli s'est imposée : il fallait
absolument raccompagner Rivière en Hongrie. Et évidemment,
impensable d'effectuer ce trajet en train ou en avion (des fois que
l'Antichrist y serait planqué). Donc, en voiture.
Le Buveur de Lait m'a
annoncé la décision avec des petits yeux suppliants. « Je
sais pas si la mère de Rivière se rend compte de ce qu'elle me
demande de faire. Mille deux cents kilomètres, et aller-retour deux
mille quatre cent kilomètres ! Je vais jamais y arriver tout seul
! » J'ai lu dans ses yeux qu'il me demandait de venir.
Et j'y suis allée.
Deux mille quatre cent
putain de kilomètres à travers toute l'Europe.
Et vous savez quoi ?
C'était cool en fait.
Deux mille quatre cent
putain de kilomètres, réussis en moins de 48h, 5h de sommeil,
arrivée à temps pour mon exam de vendredi matin (que je n'ai bien
sûr jamais eu le temps de réviser).
Mais c'était cool.
Puis le lendemain, j'ai
entraîné le Buveur de Lait avec moi pour profiter d'un des derniers
jours du festival de cinéma.
Et là il a bien fallu
que je me rende à l'évidence que ça commençait à être
parfaitement ridicule de faire semblant de ne pas voir les énormes
perches qu'il me tendait.
Il a bien fallu que je me
rende à l'évidence que j'allai devoir me confronter au dilemme du
Buveur de Lait.